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Queendom
Michel Jocaille

Du 8 mars au 5 avril 2025

Myriam Chair est heureuse de présenter l'exposition personnelle de Michel Jocaille, Queendom . 
Michel Jocaille (né en 1987), travaille à Saint-Ouen et Aubervilliers (POUSH). Il est diplômé de l’École supérieure d’art de Tourcoing.

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​​  À quatre ans, j’ai pleuré dans ma robe Blanche-Neige (© Disney). Pourtant, il ne manquait « plus qu’un sourire et une chanson pour que la transformation soit complète. » (2) Etait-ce la composition polyester-nylon, l’affreux serre-tête qui m’écrasait la mastoïde, ou un tout autre genre de pression que j'ignorais encore qui suscitèrent ces larmes ? Ces dernières ont, en tout cas, partiellement payé : plus jamais je n’ai porté de robe de princesse, mais j’ai toujours aussi mal au crâne. Trente ans plus tard, "On" sépare volontiers l’homme de l’artiste mais toujours pas la femme de son rôle.

Paye ton 8 mars. 

 

Quitte à parler de rôle, autant faire du roleplay, c'est souvent moins binaire que la "vraie" vie. Car j’ai beau chercher, ce n’est que dans les univers fantasy – en français du moins – que j’aperçois le terme de « reinaume » (on notera l’inélégance du terme, que je qualifierais d’intentionnelle). En anglais : Queendom.

 C'est sous ce titre que Michel Jocaille présente son exposition personnelle à la galerie Myriam Chair. Ici donc, pas de monarque belliqueux ni de preux chevalier, mais des femmes. Guidé..e..s par la senteur de figue noire et le son d'un live ambient (3), on demande, comme Sarah (4) : " Which way leads to the castle? " 

 Les portes sont closes, forgées de fer et de cire argentée, cotte-de-maillées en cage de chasteté. Inutile de chercher un hideux gobelin pourvoyeur de fake news pour avancer dans la quête et affronter le Kobold King – Michel garde de lui satin, blouses victoriennes, Stardust et makeup dramatique. Dans l'exposition, l'ornementation est Reine et prend position. Plongeons dans la lueur Trans Pride des lampes florales, sinuons dans leurs volutes, passons la grille du labyrinthe.

Crédits photos : Margot Montigny

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​​Entre (male) gaze, haze et maze (5), il n'y a qu'une lettre qui change. En 1975, Laura Mulvey décrypte les modes de représentation des femmes dans le cinéma hollywodien : "dans leurs rôles traditionnellement exhibitionnistes, les femmes sont à la fois regardées et exposées, leur apparence étant construite pour provoquer un fort impact visuel et érotique qui en soi est un appel au regard ". (6) To-be-look-at-ness – Michel Jocaille y va donc à fond, au point de contrarier la commodité de la position spectatoriale. En franchissant les portails ornant ses tableaux, le regard entre dans un monde parallèle, s'éblouit et ricoche sur des starss et bijoux à piques. On a mal à l'oeil, il se fait bouffer comme l'oiseau par la mygale et leurrer par l'aspect végétal du Pseudophyllus neriifolius. Les images imprimées sur le velours marbré bavent et s'embuent, on a mis un bas en nylon (ou un filtre Pro-Mist (7) si le budget le permet) devant l'objectif. Il y a tellement de fleurs, et elles sont tellement cirées que ça en devient louche – Ophélia (8) ne dort pas, elle pourrit toute en faste, telle une charogne baudelairienne. Egaré..e..s dans un dédale baroque, dans une hypnose iridescente, on pourrait bien le payer cher aussi, se noyer dans la brume du château noir ou dans notre propre reflet instagram-filtré.

 

La scopophillie (ou plaisir/pulsion de regarder) se monaye en pièces d'argent ou en crypto, et au détour d'un croisement il faudra négocier avec les idées reçues et normes établies. Au reinaume virtuel des kinks et des phantasmes, il ne faudra pas pleurer si les choses sont purement transactionnelles.

 

 

 

Lady Greensleeves (9) n'offre pas sa manche en guise de fidélité – dans l'exposition, trois pièces d'étoffes sont pendues à des crochets. Ces assemblages de tulle, d'organza et de satin, de chaînes, de piercings et de plantes artificielles apparaissent ici plutôt comme scapulaires, bandant des blessures souvent trop dissimulées, ou reliques d'une transformation salvatrice.     Telles des chrysalides-rocaille, elles encapsulent mèches de cheveux (dédicace Alexander McQueen 1992), insectes naturalisés, embryon végétal dans du verre soufflé, pièce de crochet donnée par la mère de l'artiste. Elles enveloppent, protègent et font hommage à trois figures féminines emblématiques. Mythique Magdalena, apôtre des apôtres déchue par ses pairs (c'est pourtant elle qui avait les thunes), dont l'Evangile reste considérée comme apocryphe. Rubens lui fait tenir la main cadavérique du Christ (10), Michel y ajoute quelques stickers nail art.        Sophie Xeon, icône musicale tragiquement disparue en 2021, dont un astéroide porte aujourd'hui le nom, qui fait résonner le cosmos au son de l'hyperpop.      Et enfin Fantaghiro (11), la princesse rebelle se déguisant en jeune garçon, coupe au bol et bottes de cavalier, pour sauver son prince Romualdo (récurremment dans des plans foireux) et son peuple. Figure fictionnelle héroïque, voulue féministe par le scénariste, elle le sera surtout parce qu'elle sait s'entourer, laissant volontiers la vedette à de précieux..ses allié..e..s, lui fournissant les bons outils. 

Dans le queendom de Michel, pas de pierre qui revient ni de tresse magique, mais une communauté et une amitié affirmées. Car au-delà des idoles et symboles, ce sont les amies de l'artiste qui partout sont présentes dans l'exposition : Simone, Clothilde et Charlotte qui titrent ses tableaux, Vénus en nymphe qui trône en vitrine, barettes Lokidolor au front. Et si je ne crois pas aux contes de fées – l'info continue m'en empêche anyway – je veux tout de même bien du récit, pas si chimérique que ça, où les femmes sont libres d'être ce qu'elles veulent. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1. Voir la description du parfum d'ambiance " Figue noire " sur www.esteban.fr

2. Voir la description du déguisement Blanche-Neige sur www.disneysotre.fr

3. eity, invité pour un live le soir du vernissage.

4. Héroïne du film musical fantasy Labyrinth, Jim Henson (1986).

5. regard (masculin), brume, labyrinthe.

6. voir Laura Mulvey, Plaisir visuel et cinéma narratif (1975), trad. Gabrielle Hardy.

7. filtre de diffusion à visser sur l'optique de la caméra, fréquemment utilisée dans le cinéma et la télévision des années 70 à 90, 

notamment pour masquer les rides de stars vieillissantes.

8. Ophélia, tableau de John Everett Millais (1851-1852), Tate Britain, Londres Elizabeth Siddal, poétesse et peintre et future servit de modèle à Millais et faillit en mourir, en posant dans une baignoire remplie d'eau glacée.

9. Greensleves, chanson courtoise anglaise du XVIe siècle. Parmi de nombreuses interprétations, certaines avancent que la chanson ferait référence à une prostituée. Dans l’Angleterre élisabéthaine, le vert était parfois associé à des activités sexuelles ou à des comportements peu vertueux. 

10. Descente de croix, Pierre Paul Rubens (1616-1617), Palais des Beaux-arts, Lille.

11. Fantaghiro, ou La Caverne de la Rose d'Or (1991-1996), série de romantic fantasy, réal. Lamberto Bava, scén. Gianni Romoli.

Crédits typographiques ;  Homoneta, Quentin Lamouroux, Bye Bye Binary ; Gracia AS W03-No.55, Andreas Seidel.

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